Vous êtes ici

> Actualités
Publié le mer, 29/06/2016 - 13:57

Lettre UNAF n° 536 / 27 juin 2016

Monsieur le Président de la République, Madame la Ministre, Mes chers amis,

Monsieur le Président de la République, c’est un grand honneur pour l’UNAF de vous accueillir, pour la première fois, à notre Assemblée générale. Votre présence est une reconnaissance du rôle et de l’action des Unions et des associations familiales auprès des familles. Au nom de l’ensemble des militants familiaux, je vous en remercie chaleureusement. Je remercie également madame la ministre des Familles, Laurence Rossignol, avec qui nous échangeons très régulièrement.

L’UNAF : une institution pluraliste et ancrée dans la vie des familles

L’an dernier, nous fêtions nos 70 ans. En créant l’UNAF en 1945, le Gouvernement provisoire de la République a organisé la représentation des familles, aux côtés de celle des « partenaires sociaux ». Nous sommes le 3ème pilier de la gouvernance de la sécurité sociale composée de représentants des Employeurs, des salariés, et des familles.

Nous ne sommes pas une Union d’associations comme les autres. La Loi nous a fixé des missions, dont la principale est de représenter et de porter la voix de l’ensemble des familles. Le Conseil Constitutionnel a qualifié cette mission « d’intérêt général », et réaffirmé, en 2010, la pleine légitimité de l’UNAF pour l’exercer.

C’est pourquoi nous revendiquons notre présence dans toutes les instances qui concernent la vie des familles. Vous l’avez confirmée lors du renouvellement du CESE l’an dernier, et nous vous en remercions. De même, souhaitons- nous occuper une place à part entière et significative dans le futur Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge.

Monsieur le Président, vous avez devant vous, les présidents et les directeurs d’Unions départementales, régionales, et des Mouvements familiaux ; des représentants familiaux bénévoles, et des salariés. Ils incarnent la diversité et le pluralisme constitutifs de l’UNAF.

Nous regroupons 71 mouvements familiaux. Ils font la richesse de l’UNAF qui permet à des personnes de toutes sensibilités, de débattre ensemble et de converger vers un objectif commun : la défense des familles. Ce respect des différences est notre marque de fabrique, il nous anime au quotidien ; une singularité exceptionnelle, dans une société trop cloisonnée.

Nous sommes également des acteurs de terrain engagés dans l’accompagnement des familles et le maintien du lien social dans les territoires. Au fil des ans, les UDAF et les associations familiales ont développé des services adaptés aux besoins des familles. Elles font face à des réalités sociales et humaines complexes : le handicap, notamment psychique, la dépendance, le surendettement, les séparations conflictuelles, les problèmes de santé, le logement, les problèmes d’éducation.

Avec la réforme territoriale, nos Unions régionales ont vocation à renforcer leur rôle, dans l’attente de leur inscription dans le Code, aux côtés de l’UNAF et des UDAF.

L’UNAF, partenaire indépendant des pouvoirs publics

Bien souvent, nous sommes partenaires des pouvoirs publics pour agir auprès des familles.

Nous sommes aux côtés de Mme la Ministre des familles, pour avancer sur différents projets : création du réseau d’entraide des familles monoparentales, parrainage de proximité, schémas des services aux familles, accompagnement des parents séparés, protection de l’enfance, prévention de la radicalisation, points conseils budget, et bien d’autres encore.

M. Le Président, nbous nous félicitons de la nouvelle convention d’objectifs conclue avec l’Etat. Elle engage l’UNAF et le réseau des UDAF pour une période de 5 ans, dans la réalisation de priorités communes, au service des familles et de l’innovation.

Mais nous sommes aussi un partenaire indépendant, et cette liberté conditionne la force des avis que nous rendons.

Nous sommes également un partenaire responsable mais exigeant. Responsable car nous cherchons des solutions, dans le maintien du dialogue permanent avec les pouvoirs publics. Exigeant car nous avons des convictions fortes sur la pérennité de la politique familiale et sur la défense des intérêts des familles.

Notre démocratie ne doit pas craindre le débat, la concertation et le temps de la réflexion. Ce n’est malheureusement pas toujours le cas. Ainsi, par surprise, un amendement de dernière minute a été déposé par le Gouvernement dans le projet de loi sur la Justice du 21ème siècle. Tant sur la forme, que sur le fond, nous contestons la décision soudaine de supprimer le passage obligé devant le Juge, ce qui révolutionne la loi sur le divorce. Si cette réforme est appliquée, M. le Président, les enfants seront les grands perdants. En outre, elle va complexifier le droit, engendrer plus de contentieux, être plus coûteuse pour les familles, mais aussi pour la Justice. Si nous avions été consultés, nous aurions proposé d’autres solutions pour décharger l e s juges, inspirées du travail réalisé par le Haut Conseil de la Famille.

Cette liberté de parole, cette vigueur de dialogue, sont les conditions mêmes de la démocratie sociale. Elle m’autorise, M. le Président, à vous relayer les difficultés rencontrées par les familles, leurs inquiétudes, mais aussi à vous faire des propositions.

La question du niveau de vie des familles reste centrale

Les Français s’estiment heureux dans leur vie de famille, mais ils souffrent d’une insatisfaction chronique.

D’où notre persistance à dire quelques vérités trop méconnues. Les familles ne sont pas aussi instables qu’on le dit parfois. Aujourd’hui plus de 75 % des enfants mineurs vivent en permanence avec leurs deux parents ; 7% vivent avec un parent et un beau parent, et 18% vivent avec un seul parent. Depuis 2010, le taux de couples mariés qui divorcent, diminue régulièrement.

Mais les familles sont plus incertaines dans leur rôle éducatif, plus inquiètes face au système scolaire, face au numérique qui envahit l’univers de leurs enfants. Elles souffrent d’être sous pression dans leur activité professionnelle, ou, à l’inverse, de ne pas disposer d’un emploi stable qui leur permettrait de réaliser leurs projets familiaux.

Sur le plan financier, la charge d’enfants réduit considérablement le pouvoir d’achat des familles, quel que soit leur milieu social. C’est pourquoi nous demandons que la compensation des charges pour toutes les familles reste un objectif à part entière, y compris pour les classes dites moyennes et supérieures.

Les familles s’appauvrissent quand elles ont des enfants, malgré les aides existantes. Les coupes successives opérées sur la politique familiale, n’ont fait qu’accroître ce différentiel de niveau de vie entre les familles avec enfants et sans enfant.

La perte de confiance des familles sur la pérennité de la politique familiale

Les familles ont été durement touchées par les plans successifs de réduction de la politique familiale. Les pertes se chiffrent à 4 Milliards d’euros. Certes l’allocation de soutien familial et le complément familial ont été revalorisés, mais leurs gains pour les familles a été sans commune mesure par rapport aux pertes.

Engagé en 2008, ce mouvement s’est amplifié ces dernières années, dans des proportions jamais atteintes : suppression définitive de la demi-part fiscale des veufs et veuves ayant élevé des enfants, baisses répétées du plafond du quotient familial, fiscalisation des majorations de pensions, détricotage de la PAJE, fin de l’universalité des allocations familiales, raccourcissement du congé parental, sans compter les décalages de versement de plusieurs prestations.

Et pourtant notre politique familiale était jusqu’à présent l’une des rares politiques Françaises à faire figure de modèle auprès des autres pays européens.

Outre des pertes massives de pouvoir d’achat, notamment pour les familles nombreuses, les modifications introduites finissent par effacer le sens même de la politique familiale. La mise sous condition de ressources des allocations familiales est en rupture avec le principe selon lequel « chacun cotise selon ses ressources et reçoit selon ses besoins ou sa situation ». Elle ouvre la voie à des réductions plus importantes. 78% des Français pensent que les critères d’attribution des allocations familiales vont continuer à se détériorer : ils doutent du sort réservé à la politique familiale.

La politique du « rabot » peut aussi conduire à des contresens. C’est le cas pour la prime de naissance attribuée aux jeunes parents de revenus modestes. Le décalage de son versement l’a rendue incohérente et complexe sans produire les économies escomptées. Rétablir les conditions initiales du versement de la prime de naissance serait, M. le Président, une sage décision.

Autre sujet d’inquiétude : la transformation du financement de la politique familiale, avec les allègements répétés des cotisations employeur « famille ». La nouvelle baisse applicable depuis le 1er avril 2016, fera perdre 4,5Mds d’euros en année pleine à la branche Famille. Même si l’Etat compense sur son budget, le financement de la branche deviendra plus aléatoire. Les employeurs doivent contribuer à la politique familiale. Ils sont pleinement concernés par les questions de conciliation, d’égalité professionnelle, et de pouvoir d’achat des salariés parents.

Nous saluons le volontarisme du gouvernement pour créer davantage de places d’accueil de petite enfance, mais ses objectifs ne seront pas atteints. Le passage du congé parental de 3 ans à 2 ans va se traduire par de grandes difficultés pour les parents à trouver des modes de garde avant l’entrée en maternelle. Nous demandons que l’impact de la réduction du congé parental soit évalué par un organisme indépendant. Les pères prendront-ils davantage de congés parentaux ? Les couples partageront ils ce congé ? L’égalité professionnelle des femmes progressera-t-elle grâce à cette mesure ? Si tel n’est pas le cas, une autre formule basée sur l’incitation et non sur la contrainte, pourrait être mise en place, comme nous l’avions préconisé.

Les effets de ces réductions répétées sont désormais visibles. Le nombre d’heures d’assistantes maternelles est en baisse : pour pallier la diminution des prestations, les jeunes parents recherchent des solutions moins coûteuses, ils ont recours au travail au noir, ou réduisent leur temps de travail.

Plus révélatrice encore : la baisse des naissances en 2015 - la plus forte enregistrée depuis 20 ans - se poursuit en 2016, mois après mois. Ce décrochage était, selon nous, prévisible : les remises en cause ont fini par entamer la confiance des familles.

Les priorités

Toutes les comparaisons internationales ont montré que la remarquable stabilité de la démographie française était liée au dynamisme de sa politique familiale. Cette politique doit revenir au premier plan et s’inscrire, selon nous, autour de 4 priorités.

1°) - Relancer la politique familiale

Les parents peuvent accomplir leur mission éducative et civique s’ils se sentent soutenus par une politique familiale solide qui leur donne l’assurance que la Nation les accompagne sur le long terme.

La politique familiale, M. le Président, est un « investissement social » dont les parents sont les premiers contributeurs puisqu’ils assument la plus grande partie du coût total de leurs enfants. Pour la collectivité, elle est un investissement et non une charge.

Le « retour sur investissement », ce sont des jeunes mieux formés et insérés dans la société, des parents conciliant leur emploi avec leur vie familiale, des couples davantage sécurisés dans leurs parcours de vie

La relance de la politique familiale devra tenir compte de la situation des familles nombreuses victimes des plus fortes baisses. et cela continue : Elles viennent d’apprendre la suppression des réductions dont elles bénéficiaient jusqu’à présent, pour leurs dépenses scolaires d’internat et de demi-pension. Un nouveau coup dur pour leur niveau de vie.

2°) - Reconnaître les mères et les pères au travail

Les parents rencontrent des obstacles dans leur mission de transmission et d’éducation : horaires de travail contraints, concurrence du numérique, difficultés économiques, défiance vis-à-vis de l’école, éloignement du reste de la famille, absence de services publics sur certains territoires.

Familles biactives, monoparentales, nombreuses, recomposées : tous les types de familles sont à la recherche de solutions.

L’équilibre entre la vie familiale et la vie professionnelle reste leur préoccupation majeure. Selon les résultats du baromètre OPE-UNAF, 63% des parents considèrent que leur employeur n’en fait pas assez pour les aider à mieux concilier leurs différents temps de vie. La future Loi travail nous inquiète quant à la préservation du temps familial et du temps parental.

Ce sont les femmes, ou plutôt les mères, qui restent les plus pénalisées. A poste égal, les femmes sans enfant gagnent à peu près l’équivalent des hommes. En revanche, lorsqu’elles ont au moins un enfant, elles gagnent 12,4% de moins que les hommes ! Un score qui place la France en neuvième position en Europe, derrière l’Espagne, la Belgique, la Grèce ou encore l’Estonie.

Dans le monde du travail , il faut non seulement s’attaquer au plafond de « verre » pour les femmes, mais surtout au « plafond de mère ».

L’égalité professionnelle passe aussi par une meilleure reconnaissance du rôle des pères. Selon notre dernière enquête des Observatoires des familles, 86% des pères veulent être plus proches de leurs enfants, mais 47% disent manquer de temps, souvent pour des raisons professionnelles. Ils veulent être mieux entendus et reconnus. Quand on pense aux parents, il faut davantage penser aux pères, et leur accorder plus de place dans les politiques publiques et dans l’entreprise.

3°) - Redonner confiance à la Jeunesse

140 000 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans diplôme : un motif d’inquiétude pour les parents. Toute famille souhaite que ses enfants s’épanouissent, et accèdent à l’autonomie. Les mobilisations actuelles sur la loi Travail, illustrent les craintes sur leur avenir.

Nous saluons les réformes entreprises par le Gouvernement en faveur de la jeunesse : la généralisation au 1er janvier 2017 de la garantie jeunes, les mesures du projet de loi Egalité et citoyenneté, l’effort pour lutter contre le décrochage scolaire.

Neuf jeunes sur dix parmi les 18-24 ans, bénéficient d’un soutien financier régulier de leurs parents. Il faut en tenir compte pour que le renforcement de l’autonomie des jeunes ne doit pas de faire au détriment des familles par des droits individualisés.

Par ailleurs, le malaise de la jeunesse explique en partie le phénomène de radicalisation et de violence extrême auquel nous sommes confrontés.

S’il résulte de stratégies pour diviser notre société, il s’appuie également sur le mal-être de certains jeunes, sur la crise des liens sociaux, et parfois familiaux. Face aux risques d’embrigadement, les familles sont inquiètes, et aucune catégorie d’entre-elles n’est épargnée. Or, le lien familial constitue, pour les jeunes, un point d’ancrage dans la réalité. Il a toujours été un instrument de résistance face aux idéologies radicales et extrémistes. Tous les régimes totalitaires ont d’ailleurs cherché à écarter la famille. Le soutien aux familles, l’accompagnement des parents, doivent, en conséquence, demeurer des axes forts des politiques publiques. Elles peuvent s’appuyer sur l’action du réseau des associations familiales réparties sur le territoire.

Face à la menace terroriste durable, nous devons collectivement actionner tous les leviers possibles de l’unité nationale et de la cohésion sociale. Monsieur le Président, nous sommes à vos côtés dans ce combat.

4°) - Soulager les familles confrontées à la perte d’a utonomie de leurs proches

L’allongement de l’espérance de vie modifie profondément les liens familiaux. Le vieillissement et les situations de dépendance s’accroissent. Chacun a de fortes probabilités de devenir aidant familial au cours de sa vie.

Nous saluons les apports de la loi d’adaptation de la société au vieillissement qui reconnait davantage les aidants familiaux, leur droit au répit et qui crée le congé proche aidant. Mais il reste encore beaucoup à faire pour les soulager et leur permettre de continuer à travailler.

Quatre millions de salariés sont des aidants familiaux. Le monde du travail doit mieux intégrer cette situation.

Les aidants, M. le Président sont parfois des tuteurs familiaux. Notre réseau est bien engagé dans l’information et le soutien auprès d’eux. Nous souhaitons qu’un financement consolidé et pérenne soit enfin dédié à ce service, dont il faut rappeler qu’il a été créé par la Loi.

Conclusion

M. le Président,

Comme dans toute famille, nous sommes tournés vers l’avenir et dans la construction de solutions.

Nous vous remercions à nouveau pour votre venue, à la rencontre de l’UNAF, à la rencontre de l’ensemble des familles qu’elle représente.

Je vous remercie.

 

Votre navigateur Internet n'est plus compatible

Veuillez mettre à jour gratuitement votre ordinateur avec une version récente d'Internet Explorer ou utiliser un navigateur moderne tel que : Firefox, Chrome, Opera.